La lumière a changé sur la montagne

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La lumière a changé sur la montagne

Un bruit sournois a envahi le mont Saint-Bruno.  L’odeur n’est plus la même et la lumière non plus.  Une luminosité anormale s’est installée dans certains secteurs de la montagne où l’ombre paisible du sous-bois ne protège plus l’écosystème et les espèces qui y vivent.

L’hiver doux et le printemps sec résultant du réchauffement climatique ont plutôt protégé les œufs de la spongieuse.

La chenille de la spongieuse

On reconnaît la spongieuse à son poil long, coloré bleu à l’avant de son corps et rouge à l’arrière.

De mai à juillet, la spongieuse décime les feuilles printanières éclatantes de santé pour y laisser des secteurs complets d’arbres défoliés.  Elle aime particulièrement les chênes, les bouleaux, les peupliers et les tilleuls.  Seuls les arbres en bonne santé y résisteront.  (Photos : JMcD)

D’où vient ce ravageur ?

Ce papillon ravageur est d’origine européenne.  Il a été introduit dans l’état du Massachusetts en 1869 et apparaît pour la première fois au Canada en 1824, dans le Sud du Québec.  En fait, la spongieuse aime bien élire domicile dans les forêts de feuillus de la Montérégie.

Selon Maxim Larrivée, directeur de l’Insectarium de Montréal, « les femelles ne volent pas, c’est uniquement par les chenilles que cette espèce se disperse d’une génération à l’autre. »

En Europe, la spongieuse est contrôlée par des prédateurs, des parasites et la maladie.  Ici, c’est le paradis, d’autant plus qu’à l’opposé de leurs cousins européens, nos oiseaux en ont dédain.

« Malgré le fait que les épidémies d’insectes comme celles de la spongieuse sont des perturbations naturelles et cycliques qui font partie intégrante de l’équilibre dynamique des forêts, le réchauffement climatique actuel est inquiétant car ces épidémies peuvent devenir plus fréquentes et intenses. » 
Tanya Handa, biologiste
Professeure, Sciences de l’environnement, UQAM

Tapis de feuilles printanières décimées

Bien se protéger en randonnée

Les œufs de la spongieuse éclosent par centaines de milliers dans la forêt et envahissent les sentiers de randonnée du mont Saint-Bruno.

L’histamine qui niche au fond du poil de la spongieuse cause une réaction semblable aux symptômes de l’herbe à puce.  Afin d’éviter les irritations cutanées, il vaut mieux ne pas la manipuler sans gants et porter des vêtements semblables à ceux qui nous protègent dans l’habitat des tics.  (Photo : Owlcation)

Que faire pour protéger nos milieux naturels

Normalement, les hivers rigoureux du Québec détruisent les œufs de la spongieuse à 95%, mais le réchauffement climatique a fragilisé cette barrière naturelle. C’est pourquoi les scientifiques explorent diverses options pour protéger nos milieux naturels.

Aux États-Unis, des guêpes et mouches parasites d’origine européenne agissent comme prédateurs.  Au Québec, le virus LdMNPV s’est avéré efficace et on étudie la possibilité d’introduire un champignon japonais, le Entomophaga maimaiga.  Cette solution doit cependant être mise à l’épreuve de notre climat.

Tout comme un système immunitaire fort aura une meilleure chance de combattre la COVID-19, un arbre en santé résistera mieux à une infestation de spongieuses.

« Les efforts sylvicoles pour rendre les boisés plus résilients face à ce ravageur doivent viser la vigueur des peuplements et des arbres et réduire leur stress. » 
Marianne Cusson, biologiste
Agence forestière de la Montérégie

Marianne Cusson suggère quelques pistes à suivre :

  • Aménager régulièrement son boisé pour favoriser une croissance assez rapide et constante des arbres, en maintenant les arbres les plus sains (sans chancres, blessures, mauvaise structure, etc.).
  • Éviter de compacter les sols et de blesser les arbres ou leurs racines.
  • Maximiser la diversité d’essences des boisés et la présence d’espèces compagnes des érablières.
  • Maintenir une diversité d’âges.
  • Favoriser la régénération du peuplement par des éclaircies.
  • Réduire les stress infligés aux érables en évitant d’entailler ceux des secteurs fortement défoliés l’été précédent, d’autant plus que la baisse de croissance qui suit la défoliation ralentit la fermeture des entailles.